LES LAMENTATIONS DE JÉRÉMIE
INTRODUCTION AU LIVRE DES LAMENTATIONS DE JÉRÉMIE
(Jé 8:21, 22; 9:1. Ps 74; 79; 88; 137.)
Ce livre, attribué au prophète Jérémie, est un recueil de cinq lamentations conçues comme des poèmes inspirés par un seul événement: la destruction de Jérusalem par l’armée babylonienne vers 587 av. J.-C. Cette ruine marque la fin du royaume de Juda et à vues humaines, elle dément la promesse faite autrefois au roi David en ces termes: un de tes descendants régnera toujours après toi, ton trône sera pour toujours affermi (voir 2 Sam 7:16).
La première lamentation (chapitre 1:1-22) traite des malheurs qui se sont abattus sur Jérusalem la grande ville: «Jérusalem a multiplié ses péchés, c’est pourquoi elle est un objet d’aversion… L’Éternel est juste, car j’ai été rebelle à ses ordres» (1:8, 18).
La deuxième lamentation (chapitre 2:1-22) aborde la question de Jérusalem ruinée: «Le Seigneur a été comme un ennemi; il a dévoré Israël, il a dévoré tous ses palais, il a détruit ses forteresses; il a rempli la fille de Juda de plaintes et de gémissements» (2:5).
La troisième lamentation (chapitre 3:1-66) évoque une série de souffrances et de consolations. Souffrances dues au silence de Dieu: «J’ai beau crier et implorer du secours, Dieu ne laisse pas accès à ma prière» (3:8). La consolation est due au fait que Dieu a vu toutes les atrocités des ennemis de son peuple et qu’il répliquera (3:59-66).
La quatrième lamentation (chapitre 4:1-22) campe l’auteur se lamentant sur le sort de tout le peuple, du plus petit au plus grand, du laïc au clergé. En fait, chacun est frappé.
La cinquième lamentation (chapitre 5:1-22) présente les maux actuels et les douloureux souvenirs conduisant aux questionnements du genre: «Pourquoi nous oublierais-tu pour toujours?… Nous aurais-tu entièrement rejetés, et t’irriterais-tu contre nous jusqu’à l’excès?» (5:20-22).
Le livre des Lamentations de Jérémie insiste sur un fait: malgré l’évidence du désarroi de son peuple, «les bontés de l’Éternel ne sont pas épuisées… que ta fidélité est grande!» (3:22-23). Face aux catastrophes marquant la fin du royaume de Juda, le peuple vaincu reconnaît son tort même si son Dieu, dans sa colère, se serait comporté en ennemi pour Israël.
En somme, le message du livre se découvre d’abord dans l’attitude et la démarche du poète. Sous le choc de la catastrophe qui a frappé toutes les catégories de la population et provoqué des scènes horribles (4:10), celui-ci ne se laisse pas engloutir par la souffrance; il ne reste pas prostré, anéanti de stupeur; il ne se contente pas de s’apitoyer sur soi-même. Il assume, il discerne et il prie. Il appelle ses compatriotes à faire de même. Il discerne dans la ruine la punition des crimes: la nation de Juda a failli à sa vocation de nation sainte et de peuple élu. Dieu reste cependant le Dieu de l’espérance du livre: «Fais-nous revenir vers toi, ô Éternel, et nous reviendrons!» (5:21).
1
Les malheurs de Jérusalem
V. 1-22: cf. La 2; 4. Ps 79.
Eh quoi! Elle est assise solitaire, cette ville si peuplée!
Elle est semblable à une veuve!
Grande entre les nations, souveraine parmi les états,
Elle est réduite à la servitude!
aElle pleure durant la nuit, et ses joues sont couvertes de larmes;
De tous ceux qui l’aimaient nul ne la console;
Tous ses amis lui sont devenus infidèles,
Ils sont devenus ses ennemis.
Juda est en exil, victime de l’oppression et d’une grande servitude;
Il habite au milieu des nations,
Et il n’y trouve point de repos;
Tous ses persécuteurs l’ont surpris dans l’angoisse.
Les chemins de Sion sont dans le deuil, car on ne va plus aux fêtes;
Toutes ses portes sont désertes,
Ses sacrificateurs gémissent,
Ses vierges sont affligées, et elle est remplie d’amertume.
Ses oppresseurs triomphent, ses ennemis sont en paix;
Car l’Éternel l’a humiliée,
A cause de la multitude de ses péchés;
Ses enfants ont marché captifs devant l’oppresseur.
La fille de Sion a perdu toute sa gloire;
Ses chefs sont comme des cerfs
Qui ne trouvent point de pâture,
Et qui fuient sans force devant celui qui les chasse.
Aux jours de sa détresse et de sa misère, Jérusalem s’est souvenue
De tous les biens dès longtemps son partage,
Quand son peuple est tombé sans secours sous la main de l’oppresseur;
Ses ennemis l’ont vue, et ils ont ri de sa chute.
Jérusalem a multiplié ses péchés,
C’est pourquoi elle est un objet d’aversion;
Tous ceux qui l’honoraient la méprisent, en voyant sa bnudité;
Elle-même soupire, et détourne la face.
La souillure était dans les pans de sa robe, et elle ne songeait pas à sa cfin;
Elle est tombée d’une manière étonnante, et nul ne la console.
Vois ma misère, ô Éternel!
Quelle arrogance chez l’ennemi!
10 L’oppresseur a étendu la main
Sur tout ce qu’elle avait de précieux;
Elle a vu pénétrer dans son sanctuaire les nations
Auxquelles tu avais défendu d’entrer dans ton assemblée.
11 Tout son peuple soupire, il cherche du dpain;
Ils ont donné leurs choses précieuses pour de la nourriture,
Afin de ranimer leur vie.
Vois, Éternel, regarde comme je suis avilie!
12 Je m’adresse à vous, à vous tous qui passez ici!
Regardez et voyez s’il est une douleur pareille à ma douleur,
A celle dont j’ai été frappée!
L’Éternel m’a affligée au jour de son ardente colère.
13 D’en haut il a lancé dans mes os un feu qui les dévore;
Il a tendu un filet sous mes pieds,
Il m’a fait tomber en arrière;
Il m’a jetée dans la désolation, dans une langueur de tous les jours.
14 Sa main a lié le joug de mes iniquités;
Elles se sont entrelacées, appliquées sur mon cou;
Il a brisé ma force;
Le Seigneur m’a livrée à des mains auxquelles je ne puis résister.
15 Le Seigneur a terrassé tous mes guerriers au milieu de moi;
Il a rassemblé contre moi une armée,
Pour détruire mes jeunes hommes;
Le Seigneur a foulé au pressoir la vierge, fille de Juda.
16 C’est pour cela que je pleure, que mes eyeux fondent en larmes;
Car il s’est éloigné de moi, celui qui me consolerait,
Qui ranimerait ma vie.
Mes fils sont dans la désolation, parce que l’ennemi a triomphé.
17 Sion a étendu les mains,
Et personne ne l’a consolée;
L’Éternel a envoyé contre Jacob les ennemis d’alentour;
Jérusalem a été un objet d’horreur au milieu d’eux.
18 L’Éternel est juste,
Car j’ai été rebelle à ses ordres.
Écoutez, vous tous, peuples, et voyez ma douleur!
Mes vierges et mes jeunes hommes sont allés en captivité.
19 J’ai appelé mes amis, et ils m’ont ftrompée.
Mes sacrificateurs et mes anciens ont expiré dans la ville:
Ils cherchaient de la nourriture,
Afin de ranimer leur vie.
20 Éternel, regarde ma détresse! gMes entrailles bouillonnent,
Mon cœur est bouleversé au-dedans de moi,
Car j’ai été rebelle.
Au-dehors l’épée a fait ses ravages, au-dedans la mort.
21 On a entendu mes soupirs, et personne ne m’a consolée;
Tous mes ennemis ont appris mon malheur,
Ils se sont réjouis de ce que tu l’as causé;
Tu amèneras, tu publieras le jour où ils seront comme moi.
22 Que toute leur méchanceté vienne devant toi,
Et traite-les comme tu m’as traitée,
A cause de toutes mes transgressions!
Car mes soupirs sont nombreux, et mon cœur est souffrant.
a 1:2 Ps 6:7. b 1:8 És 47:3. c 1:9 De 32:29. d 1:11 Jé 52:6. e 1:16 Jé 13:17. f 1:19 Jé 30:14. g 1:20 És 16:11. Jé 48:36.