APPENDICE.
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[VI, 1-72.]
LETTRE DE JÉRÉMIE AUX EXILÉS.* La traduction de la lettre de Jérémie est faite sur le grec, en tenant compte de plusieurs leçons de la Vulgate.
Titre (vi, 1). Au spectacle de l’idolâtrie païenne, les exilés devront renouveler leur foi en Yahweh (vi, 2-6). Contraste entre le luxe avec lequel on sculpte ces dieux et on les pare, et leur impuissance à se conserver et à se protéger (vi, 7-22), à se mouvoir et à se nourrir (vi. 23-28). Inefficacité de leur culte impur (vi, 29-39) et indécent (vi, 40-44). Leur impuissance à se dérober à la calamité (vi, 45-51), à l’incendie, aux voleurs (vi, 53-57). Aussi tout leur est préférable (vi, 58-68). Conclusions (vi, 69-72).
Copie de la lettre qu’envoya Jérémie à ceux qui allaient être emmenés captifs à Babylone par le roi des Babyloniens, pour leur annoncer ce que Dieu avait commandé de leur dire.
A cause des péchés que vous avez commis devant Dieu, vous allez être emmenés captifs à Babylone par Nabuchodonosor, roi des Babyloniens. Étant donc arrivés à Babylone, vous y resterez de nombreuses années et un long temps, jusqu’à sept générations Sept générations. Jer 29,10 assigne à la captivité une durée de soixante-dix ans ; sans doute il faut entendre ces sept générations de périodes indéterminées. ; et après cela je vous en ferai sortir en paix. Or vous verrez à Babylone des dieux d’argent, d’or et de bois, que l’on porte sur les épaules et qui inspirent la crainte aux nations. Prenez donc garde de ne pas imiter, vous aussi, ces étrangers, et de ne pas vous laisser saisir par la crainte de ces dieux. Quand vous verrez une foule se presser par devant et par derrière eux, et leur rendre ses hommages, dites en votre cœur : « C’est vous, Maître, qu’il faut adorer. » Car mon ange est avec vous, et il prend soin de votre vie.
Car la langue de ces dieux a été polie par un ouvrier ; on la recouvre d’or et d’argent, mais ils ne sont que mensonge, et ne peuvent parler. Comme pour une fille qui aime la parure, on a pris de l’or, et l’on a préparé des couronnes pour les poser sur la tête de ces dieux. Les prêtres vont jusqu’à dérober à leurs dieux de l’or et de l’argent, qu’ils font servir à leurs propres usages ; 10 ils en donneront même aux prostituées dans leur maison Dans leur maison, probablement sous le même toit que les dieux, dans les temples : chose ordinaire chez les anciens peuples de l’Orient. La Vulg. traduit ainsi le vers. 10 : Ils en donnent aussi aux prostituées, et ils en parent les courtisanes : et pareillement, quand ils ont reçu cet argent des courtisanes, ils en parent leurs dieux.. Ils les parent de riches vêtements, comme des hommes, ces dieux d’argent, d’or et de bois ; 11 mais ceux-ci ne peuvent se défendre ni de la rouille, ni des vers. 12 Quand on les a revêtus d’habits de pourpre, il faut encore essuyer leur visage, à cause de la poussière de la maison§ Leur maison, litt. la maison. qui les couvre d’une couche épaisse. 13  En voici un qui tient un sceptre, comme un gouverneur de province : il ne fera pas mourir celui qui l’aura offensé. 14  Cet autre porte à la main une épée ou une hache, mais il ne peut se défendre contre l’ennemi ou les voleurs. Par où l’on voit bien que ce ne sont pas des dieux ; 15 ne les craignez donc pas.
Comme le vase qu’un homme possède, lorsqu’il est brisé, devient inutile : ainsi en est-il de leurs dieux. 16 Si vous les placez dans une maison, leurs yeux se remplissent de la poussière des pieds de ceux qui entrent. 17 De même que les portes de la prison sont fermées avec soin sur un homme qui a offensé le roi, ou sur un homme qu’on va conduire à la mort, ainsi les prêtres défendent la demeure de leurs dieux par des portes solides, par des serrures et des verrous, de peur qu’ils ne soient dépouillés par les voleurs. 18 Ils allument des lampes, et même en plus grand nombre que pour eux-mêmes, et ces dieux n’en peuvent voir aucune. 19 Ils sont comme une des poutres de la maison, et l’on dit que leur cœur est rongé par la vermine qui sort de terre, et qui les dévore ainsi que leurs vêtements, sans qu’ils le sentent.* La ponctuation du grec favoriserait cette ponctuation de la phrase : Ils sont comme une des poutres de la maison, dont on dit que le cœur est rongé ; la vermine qui sort de terre les dévore ainsi que leurs vêtements, et ils ne le sentent pas. 20 Leur visage devient noir par la fumée qui s’élève de la maison. 21 Sur leur corps et sur leur tête voltigent les hiboux, les hirondelles et les autres oiseaux ; et pareillement s’ébattent les chats eux-mêmes. 22 Par là vous reconnaîtrez que ce ne sont pas des dieux ; ne les craignez donc pas.
23 L’or dont on les recouvre pour les embellir, si quelqu’un n’en ôte pas la rouille, ils ne le feront pas briller ; car ils n’ont même rien senti lorsqu’on les fondait. 24 Ces idoles ont été achetées au plus haut prix, et il n’y a pas en elle de souffle de vie. 25 N’ayant pas de pieds, elles sont portées sur les épaules, montrant ainsi aux hommes leur honteuse impuissance. Qu’ils soient confondus Qu’ils soient confondusetc. Au lieu de l’optatif, on pourrait, en restant fidèle au grec, mettre simplement l’indicatif. avec elles ceux qui les servent ! 26 Si elles tombent à terre, elles ne se relèveront pas d’elles-mêmes ; et si quelqu’un les pose debout, elles ne se mettront pas d’elles-mêmes en mouvement ; et si elles penchent, elles ne se redresseront pas. C’est comme devant des morts Devant des mortsqui ne jouissent pas des aliments qu’on dépose sur leurs tombeaux. qu’on met devant elles des offrandes. 27 Les prêtres vendent les victimes qu’on leur offre et en font leur profit ; leurs femmes en font des salaisons, et ne donnent rien§ Et ne donnent rienetc. Le contraire avait lieu dans les repas sacrés des Israélites (Deu 16, 28 sv.). ni au pauvre, ni à l’infirme. 28 Les femmes en couches ou dans un état impur* Dans un état impur. La loi juive interdisait l’entrée du temple aux femmes dans l’un de ces deux cas (Lév. xii, 4 ; xv, 19 sv. etc.) touchent à leurs sacrifices. Sachant donc par ces choses que ce ne sont pas des dieux, ne les craignez pas.
29 Et pourquoi les appeler des dieux ? Car ce sont des femmes Les femmes, chez les Juifs, ne participaient pas au service du culte. qui viennent apporter leurs offrandes à ces dieux d’argent, d’or et de bois. 30 Et, dans leurs temples, les prêtres sont assis, la tunique déchirée, la tête et le visage rasés, et la tête découverte Pratiques de deuil interdites aux prêtres juifs (Lev 21, 5).. 31 Ils rugissent§ Ils rugissent. Comp. 1Ro 18, 28. — Festin mortuaire, où on se lamentait sur la perte du défunt. Comp. Jer 16, 7. en criant devant leurs dieux, comme dans un festin mortuaire. 32 Leurs prêtres leur enlèvent leurs vêtements, et ils en habillent leurs femmes et leurs enfants* Les vêtements étaient souvent renouvelés par la piété des fidèles.. 33 Qu’on leur fasse du mal ou qu’on leur fasse du bien, ils ne pourront rendre ni l’un ni l’autre ; ils sont incapables d’établir un roi ou de le renverser. 34 Ils ne peuvent pas davantage donner la richesse, ni même une pièce de monnaie. Si quelqu’un, leur ayant fait un vœu, ne s’en acquitte pas, ils ne réclament pas. 35 Ils ne sauveront pas un homme de la mort, ils n’arracheront pas le faible de la main d’un puissant. 36 Ils ne rendront pas la vue à un aveugle, et ne délivreront pas celui qui est dans la détresse. 37 Ils n’auront pas pitié de la veuve, et ne feront pas de bien à l’orphelin. 38 Elles ressemblent aux rochers détachés de la montagne, ces idoles de bois, recouvertes d’or et d’argent, et ceux qui les servent seront confondus. 39 Comment croire ou dire que ce sont des dieux ?
40 Les Chaldéens eux-mêmes les déshonorent Les déshonorent, en demandant à leurs idoles des choses qu’elles sont incapables de faire, ce qui fait éclater leur impuissance. — Ils le présentent à Bel. Plus littéralement peut-être, ils apportent Bel, sa statue. — Entendre quelque chose ; la Vulg. ajoute, lui qui n’a pas le mouvement., lorsque, voyant un homme qui ne peut parler, ils le présentent à Bel demandant que le muet parle, comme si le dieu pouvait entendre quelque chose. 41 Et quoiqu’ils s’en rendent compte, ils ne peuvent abandonner ces idoles ; car elles n’ont pas le sentiment D’autres, et pourtant ils ne peuvent se rendre compte eux mêmes, qu’elles (les idoles) n’ont pas le sentiment et les (les idoles) abandonner ; Vulg., et eux, en s’en rendant compte, les (les idoles) abandonnent ; car leurs dieux mêmes n’ont pas de sentiment.. 42 Les femmes, entourées d’une corde, vont s’asseoir sur les chemins, brûlant de la farine grossière ; 43 et, quand l’une d’elles, entraînée par quelque passant, a dormi avec lui, elle reproche à sa voisine de n’avoir pas été jugée digne du même honneur, et de n’avoir pas vu rompre sa tresse de jonc§ Allusion aux prostitutions en l’honneur des dieux.. 44 Tout ce qui se fait à l’égard des idoles est mensonge. Comment donc croire ou dire que ce sont des dieux ?
45 Ils ont été façonnés par des artisans et des orfèvres ; ils ne sauraient être autrement que les ouvriers veulent qu’ils soient. 46 Et les ouvriers qui les ont façonnés n’ont pas longtemps à vivre : comment donc leurs ouvrages seraient-ils de longue durée ? 47 Ils n’ont laissé que mensonge et opprobre à la postérité. 48 Que survienne une guerre, ou quelque autre calamité, les prêtres délibèrent entre eux pour savoir où ils se cacheront avec leurs dieux : 49 comment donc ne comprend-on pas que ceux-là ne sont pas des dieux, qui ne peuvent se sauver de la guerre ou d’une autre calamité ?
50 Ces idoles de bois, recouvertes d’or et d’argent, seront reconnues plus tard comme n’étant que mensonge ; pour toutes les nations et pour tous les rois il sera évident qu’elles ne sont pas des dieux, mais des ouvrages de mains d’hommes, et qu’il n’y a en elles aucune œuvre divine. 51 Pour qui donc ne serait-il pas évident que ce ne sont pas des dieux ?
52 Ils n’établiront jamais un roi sur un pays, et ne donneront pas la pluie aux hommes. 53 Ils ne sauront pas juger leurs propres affaires, et ils ne protégeront pas contre l’injustice, puisqu’ils ne peuvent rien, semblables à des corneilles qui se tiennent entre le ciel et ta terre. 54 Et lorsque le feu tombera sur la maison de ces dieux de bois, recouverts d’or et d’argent, leurs prêtres prendront la fuite et seront sauvés ; mais eux seront consumés comme des poutres au milieu des flammes. 55 Ils ne résisteront ni à un roi, ni à une armée ennemie. Comment admettre ou penser que ce sont des dieux ?
56 Ils n’échapperont pas aux voleurs et aux brigands, ces dieux de bois, recouverts d’argent et d’or. 57 Des hommes plus puissants qu’eux enlèveront l’argent et l’or, et s’en iront avec les riches vêtements dont on les a couverts, et ces dieux ne pourront se secourir eux-mêmes. 58 Aussi vaut-il mieux être un roi déployant sa force, ou un vase utile dans la maison, dont le maître se sert, que d’être ces faux dieux ; ou bien une porte à une maison, qui garde ce qui s’y trouve, que d’être ces faux dieux ; ou encore une colonne de bois dans la maison d’un roi, que d’être ces faux dieux. 59 Le soleil, la lumière et les astres, qui sont brillants et envoyés pour l’utilité des hommes, obéissent à Dieu. 60 De même encore l’éclair, lorsqu’il paraît, est beau à voir ; le vent aussi souffle sur tous le pays ; 61 et les nuées, lorsque Dieu leur commande de parcourir toute la terre, exécutent ce qui leur est ordonné. 62 Le feu également, lorsqu’il est envoyé d’en haut pour consumer les montagnes et les forêts, fait ce qui lui a été commandé. Mais les idoles ne sont pas comparables, ni en beauté ni en puissance, à toutes ces choses. 63 Il ne faut donc ni penser ni dire que ce sont des dieux, puisqu’elles ne peuvent ni discerner ce qui est juste, ni faire du bien aux hommes. 64 Sachant donc que ce ne sont pas des dieux, ne les craignez pas.
65 Ils sont incapables de maudire ou de bénir les rois. 66 Ils ne font pas voir aux nations des signes dans le ciel ; ils ne brillent pas comme le soleil, ils n’éclairent pas comme la lune. 67 Les bêtes valent mieux qu’eux, puisqu’elles peuvent en fuyant trouver un abri et être utiles à elles-mêmes. 68 Ainsi d’aucune manière il n’est évident pour nous que ce sont des dieux ; ne les craignez donc pas.
69 De même qu’un épouvantail dans un champ de concombres ne préserve de rien, ainsi en est-il de leurs dieux de bois, recouverts d’or et d’argent. 70 Tout semblables à un buisson d’épines dans un jardin, sur lequel tous les oiseaux se posent, ou à un mort jeté dans un lieu obscur, tels sont leurs dieux de bois, recouverts d’or et d’argent. 71 La pourpre elle-même et l’écarlate* L’écarlate, d’après la Vulgate. Grec : le marbre. qui se gâtent sur eux font voir que ce ne sont pas des dieux. Eux-mêmes finiront par être dévorés et deviendront une honte dans le pays. 72 Mieux vaut l’homme juste qui n’a pas d’idoles ; il n’aura pas à craindre la confusion.

*^ La traduction de la lettre de Jérémie est faite sur le grec, en tenant compte de plusieurs leçons de la Vulgate.

6,2 Sept générations. Jer 29,10 assigne à la captivité une durée de soixante-dix ans ; sans doute il faut entendre ces sept générations de périodes indéterminées.

6,10 Dans leur maison, probablement sous le même toit que les dieux, dans les temples : chose ordinaire chez les anciens peuples de l’Orient. La Vulg. traduit ainsi le vers. 10 : Ils en donnent aussi aux prostituées, et ils en parent les courtisanes : et pareillement, quand ils ont reçu cet argent des courtisanes, ils en parent leurs dieux.

§6,12 Leur maison, litt. la maison.

*6,19 La ponctuation du grec favoriserait cette ponctuation de la phrase : Ils sont comme une des poutres de la maison, dont on dit que le cœur est rongé ; la vermine qui sort de terre les dévore ainsi que leurs vêtements, et ils ne le sentent pas.

6,25 Qu’ils soient confondusetc. Au lieu de l’optatif, on pourrait, en restant fidèle au grec, mettre simplement l’indicatif.

6,26 Devant des mortsqui ne jouissent pas des aliments qu’on dépose sur leurs tombeaux.

§6,27 Et ne donnent rienetc. Le contraire avait lieu dans les repas sacrés des Israélites (Deu 16, 28 sv.).

*6,28 Dans un état impur. La loi juive interdisait l’entrée du temple aux femmes dans l’un de ces deux cas (Lév. xii, 4 ; xv, 19 sv. etc.)

6,29 Les femmes, chez les Juifs, ne participaient pas au service du culte.

6,30 Pratiques de deuil interdites aux prêtres juifs (Lev 21, 5).

§6,31 Ils rugissent. Comp. 1Ro 18, 28. — Festin mortuaire, où on se lamentait sur la perte du défunt. Comp. Jer 16, 7.

*6,32 Les vêtements étaient souvent renouvelés par la piété des fidèles.

6,40 Les déshonorent, en demandant à leurs idoles des choses qu’elles sont incapables de faire, ce qui fait éclater leur impuissance. — Ils le présentent à Bel. Plus littéralement peut-être, ils apportent Bel, sa statue. — Entendre quelque chose ; la Vulg. ajoute, lui qui n’a pas le mouvement.

6,41 D’autres, et pourtant ils ne peuvent se rendre compte eux mêmes, qu’elles (les idoles) n’ont pas le sentiment et les (les idoles) abandonner ; Vulg., et eux, en s’en rendant compte, les (les idoles) abandonnent ; car leurs dieux mêmes n’ont pas de sentiment.

§6,43 Allusion aux prostitutions en l’honneur des dieux.

*6,71 L’écarlate, d’après la Vulgate. Grec : le marbre.