DEUXIÈME PARTIE. [XIII — XX.] MANIFESTATION DE LA GLOIRE DIVINE DE JÉSUS DURANT SA VIE SOUFFRANTE ET SA VIE GLORIEUSE.
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(Mat 20,20-28; Mrc 10,35-45; Luc 22,24-27)
SECTION 1 [XIII — XVII.] Pendant la dernière cène et dans le discours d’adieu.
Le lavement des pieds, suprême marque d’amour et d’humilité (1-17). Trahison de Judas annoncée (18-30).
Avant la fête de Pâque, Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde à son Père, après avoir aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin.* Pendant le souper, lorsque déjà le diable avait mis dans le cœur de Judas, fils de Simon Iscariote, le dessein de le livrer, Jésus, qui savait que son Père avait remis toutes choses entre ses mains, et qu’il était sorti de Dieu et s’en allait à Dieu, se leva de table, posa son manteau, et, ayant pris un linge, il s’en ceignit. Puis il versa de l’eau dans le bassin et se mit à laver les pieds de ses disciples, et à les essuyer avec le linge dont il était ceint. Il vint donc à Simon-Pierre ; et Pierre lui dit : « Quoi, vous Seigneur, vous me lavez les pieds ! » Jésus lui répondit : « Ce que je fais, tu ne le sais pas maintenant, mais tu le comprendras bientôt. » Pierre lui dit : « Non, jamais vous ne me laverez les pieds. » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave, tu n’auras pas de part avec moi. » Simon-Pierre lui dit : « Seigneur, non seulement les pieds, mais encore les mains et la tête ! » 10 Jésus lui dit : « Celui qui a pris un bain n’a besoin que de laver ses pieds ; il est pur tout entier. Et vous aussi, vous êtes purs, mais non pas tous. » 11 Car il savait quel était celui qui allait le livrer ; c’est pourquoi il dit : « Vous n’êtes pas tous purs. »
12 Après qu’il leur eut lavé les pieds, et repris son manteau, il se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? 13 Vous m’appelez le Maître et le Seigneur : et vous dites bien, car je le suis. 14 Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres.§ 15 Car je vous ai donné l’exemple, afin que, comme je vous ai fait, vous fassiez aussi vous-mêmes. 16 En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni l’apôtre plus grand que celui qui l’a envoyé. 17 Si vous savez ces choses vous êtes heureux, pourvu que vous les pratiquiez. 18 Je ne dis pas cela de vous tous ; je connais ceux que j’ai élus ; mais il faut que l’Écriture s’accomplisse : Celui qui mange le pain avec moi, a levé le talon contre moi.* 19 Je vous le dis dès maintenant, avant que la chose arrive, afin que, lorsqu’elle sera arrivée, vous reconnaissiez qui je suis. 20 En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé. »
(Mat 26,20-25; Mrc 14,17-21; Luc 22,21-23)
21 Ayant ainsi parlé, Jésus fut troublé en son esprit ; et il affirma expressément : « En vérité, en vérité, je vous le dis, un de vous me livrera. » 22 Les disciples se regardaient les uns les autres, ne sachant de qui il parlait. 23 Or, l’un d’eux était couché sur le sein de Jésus ; c’était celui que Jésus aimait. 24 Simon-Pierre lui fit donc signe pour lui dire : « Qui est celui dont il parle ? » 25 Le disciple, s’étant penché sur le sein de Jésus, lui dit : « Seigneur, qui est-ce ? » 26 Jésus répondit : « C’est celui à qui je présenterai le morceau trempé. » Et ayant trempé du pain, il le donna à Judas Iscariote, fils de Simon. 27 Aussitôt que Judas l’eut pris, Satan entra en lui ; et Jésus lui dit : « Ce que tu fais, fais-le vite. » 28 Aucun de ceux qui étaient à table ne comprit pourquoi il lui disait cela. 29 Quelques-uns pensaient que, Judas ayant la bourse, Jésus voulait lui dire : « Achète ce qu’il faut pour la fête, » ou : « Donne quelque chose aux pauvres. » 30 Judas ayant pris le morceau de pain, se hâta de sortir. Il était nuit.
1. Chap, xiii, 31-35. Séparation imminente. Commandement nouveau. Prédiction du triple reniement de S. Pierre (36-38).
31 Lorsque Judas fut sorti, Jésus dit : « Maintenant le Fils de l’homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en lui. 32 Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui-même, et il le glorifiera bientôt.
(Mat 22,34-40; Mrc 12,28-31; Luc 10,25-28)
33 Mes petits enfants, je ne suis plus avec vous que pour un peu de temps. Vous me chercherez et comme j’ai dit aux Juifs qu’ils ne pouvaient venir où je vais, je vous le dis aussi maintenant. 34 Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres ; que comme je vous ai aimés, vous vous aimiez aussi les uns les autres.§ 35 C’est à cela que tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »
36 Simon-Pierre lui dit : « Seigneur, où vas-tu ? » Jésus répondit : « Où je vais, tu ne peux me suivre à présent ; mais tu me suivras plus tard. — 37 Seigneur, lui dit Pierre, pourquoi ne puis-je te suivre à présent ? Je donnerai ma vie pour toi. » 38 Jésus lui répondit : « Tu donneras ta vie pour moi ! En vérité, en vérité, je te le dis, le coq ne chantera pas, avant que tu ne m’aies renié trois fois. »
* 13:1 XIII, 1. Matth. xxvi, 2 ; Marc, xiv, 1 ; Luc, xxii, 1. Ce n’est pas le lieu de rapporter les nombreux essais de conciliation entre la chronologie de S. Jean pour la Passion, et celle qui paraît résulter de la lecture des Synoptiques. Voir Vigouroux, Dict. de la Bible, Cène. Pour S. Jean la Pâque juive, le 15 Nisan, était certainement cette année là le samedi. Immolé dans les dernières heures du 14, l’agneau pascal était mangé aux premières heures du 15, à la façon juive de compter, c’est-à-dire dans la nuit du vendredi à samedi. La Cène eut lieu le jeudi au soir, donc aux premières heures du 14 Nisan à la façon juive.L’impression qui se dégage du récit de la passion dans les Synoptiques c’est que le vendredi, jour du jugement et de la condamnation, était un jour ouvrier, et non pas le premier jour de la Pâque, ou 15 Nisan. En cela ils s’accordent avec S. Jean. La difficulté des Synoptiques est qu’ils paraissent, Matth xxvi, 17-20 ; Marc, xiv, 12 ; Luc, xxii, 7, fixer au jeudi le 14 Nisan et par conséquent identifier le 15 ou jour de la Pâque avec le vendredi. Il en est ainsi, en effet, si l’on place au jeudi matin la question des Apôtres. Mais si on la suppose faite seulement le jeudi soir, vers les 6 heures elle coïncidera non plus avec le 13 Nisan, mais avec le commencement ou premier soir du 14 Nisan. Du jeudi vers 6 heures du soir, au vendredi à 6 heures, c’est bien le 14 Nisan, le premier jour des Azymes, le jour où on immole la Pâque. La chronologie de la Cène et de la Passion sera alors identique en S. Jean et dans les Synoptiques. Il ne restera plus qu’à déterminer si alors Jésus a célébré le vrai repas pascal, en anticipant parce que le temps pressait, ou bien s’il a simplement fait un dernier repas dans lequel il aurait institué la nouvelle Pâque sans renouveler l’ancienne.Jusqu’à la fin. Il leur donne alors un dernier témoignage de son amour en leur lavant les pieds. 13:2 2. Pendant le souper (gr. γινομένου), tandis que se faisait la cène pascale (Matth. xxvi, 20 sv. ; Marc, xiv, 17 sv. ; Luc, xxii, 14 sv.). La Vulgate a sans doute lu γεκομένου, après le souper. Mais cette leçon est moins autorisée ; en outre, il est peu naturel de placer le lavement des pieds après le repas, lequel d’ailleurs n’était certainement pas achevé (vers. 12-26). 13:7 7. Ce que je fais, la raison ou la signification morale de ce que je veux faire. § 13:14 14. Vous laver les pieds, vous rendre les services les plus humbles. * 13:18 18. Citation du Ps. xli (héb.), 10, où David figure le Messie, et Achitophel, le traître Judas. 13:21 21. Fut troublé, ressentit une vive émotion, à cause du crime de Judas. 13:31 31. Quelques mss. retranchent οὖν, donc ; aussi quelques commentateurs unissent ὅτι ἐξῆλθεν à la proposition précédente. Il était nuit, quand il sortit. Mais il est préférable avec les meilleurs mss., et pour le sens, de lire οὖν. Cette particule rattache à l’éloignement de Judas le libre épanchement des sentiments du divin Maître. § 13:34 34. Il vaut mieux rattacher les mots comme je vous ai aimés, à la proposition qui suit et non à celle qui précède. Sans cela la répétition du dernier membre de phrase ne s’explique pas. Jésus commence par dire : que vous vous aimiez les uns les autres, puis il ajoute cette précision sur le mode de cet amour : Je veux dire, que comme je vous ai aimés, vous vous aimiez aussi les uns les autres.